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Au XVIIe siècle, le divertissement ultime consistait à catapulter des renards dans les airs
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Heureusement, cette pratique a fini par être remplacée par des matchs de badminton ou des parties de golf.

Le record du lancer de renard avoisine, paraît-il, les huit mètres de hauteur.

Pendant des siècles, le sport national des puissances occidentales était de se faire la guerre et, entre deux passes d'armes, d'aller chasser au cœur de forêts giboyeuses. Une façon commode de joindre l'utile à l'agréable: après l'effort, le réconfort de la table… Dans ce contexte, les sports dits «modernes» ont longtemps peiné à s'imposer, tant on les disait sources de désordre public, de jeux d'argent et de divertissement malsain.

La preuve: le roi anglais Édouard III, inquiet de voir ses garnisons déplumées par les épidémies de peste, interdit, au milieu du XIVe siècle, le football, le hockey et autres combats de coqs. Un homme digne de ce nom, objecte-t-il, doit s'adonner aux seules activités véritablement nobles: l'escrime et le tir à l'arc, qui contribuent de surcroît au maintien d'une armée entraînée et vaillante.

Avec le temps, toutefois, la politique anti-sportive des gouvernants se tempère –surtout lorsqu'il s'agit d'égayer les élites. Au XVIIe siècle, tandis que le petit peuple se contente de rouler des dés dans des gargotes enfumées, les aristocrates, qui s'ennuient franchement en leurs domaines, innovent. Dans les cours princières d'Europe apparaît un sport aussi curieux que cruel: le Fuchsprellen, ou «lancer de renard», appelé à rencontrer une énorme popularité.

Fuchsprellen, mode d'emploi

Si le mot est allemand, c'est parce que la pratique est répandue à la cour des souverains germaniques. De Vienne à Dresde, du Wurtemberg à la Hesse, on s'enthousiasme pour ce sport qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, déplace les foules. Le principe est simple: sur un bout de terrain fermé d'une clôture, les participants ont pour objectif de catapulter un animal aussi haut que possible dans les airs.

Comment? Les témoignages et les gravures d'époque donnent une assez bonne idée du déroulé de ces compétitions, qui se tiennent sur les domaines des princes. Entre les bosquets parfumés et les parterres savamment entretenus, des cages sont disposées par les gardes-chasse: elles contiennent des centaines de spécimens fraîchement capturés. Renards, bien sûr, mais aussi lièvres, loutres, putois, blaireaux, chats sauvages… et parfois même loups ou sangliers, selon l'envie du moment.

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Organisés en paires (le plus souvent mixtes), les participants s'installent de part et d'autre d'un morceau de corde long de six mètres, chacun maintenant fermement son côté. Puis, on fait sauter les verrous des cages, libérant la ménagerie terrifiée… Alors, lorsqu'une bête vient à franchir leur corde, les compétiteurs doivent aussitôt la projeter vers les cieux d'un habile mouvement de bras –et l'animal avec.

Les participants s'installent de part et d'autre d'un morceau de corde long de six mètres, et projettent l'animal au ciel lorsqu'il marche dessus.

«Le jeu est très amusant, plein de surprises, et les ladies ne ressentent ni horreur ni compassion», décrit un contemporain à la cour de Charles III Philippe du Palatinat. Le record de «saut» avoisine, paraît-il, les huit mètres de hauteur.

Divertissement sanglant

Dans ces conditions, l'atterrissage des proies n'est qu'un dommage collatéral. On tente bien d'amortir leur chute en répandant de la sciure ou du sable dans les cours pavées, mais il ne s'agit pas tant de bonté que d'une précaution économe «pour que l'amusement puisse durer d'autant plus longtemps, et les sauts des renards et des lièvres être d'autant plus vigoureux, plus vifs et plus fréquents; car autrement le plaisir cesserait bientôt, lorsque les pauvres bêtes, tombant, se cogneraient la tête contre les pierres, ou se briseraient la colonne vertébrale», note un observateur.

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À l'issue de la partie, les participants s'ébattent dans les jardins semés de carcasses, achevant à coups de gourdin les bêtes blessées. Il paraît que l'empereur Léopold Ier) s'acquitte avec beaucoup de plaisir de cette tâche. En mars 1672, il s'y adonne si gaiement qu'un contemporain suédois, Esaias Pufendorf, s'étonne dans son journal d'un comportement «aussi étranger de la solennité impériale».

Déclenchant l'hilarité des courtisans, ces manifestations bigarrées se démocratisent notamment à la cour de Frédéric-Auguste de Saxe. Surnommé «le Fort» –il a la réputation de briser des fers à cheval à mains nues–, ce souverain multiplie les lancers de renard à Dresde à la fin du XVIIe siècle. Au terme de l'une de ces compétitions, on ramasse 647 renards, 533 lièvres, 34 blaireaux, 21 chats sauvages, 34 marcassins et 3 loups en bouillie sur l'herbe rougie du palais saxon.

Vive le badminton

Avec le temps et la montée d'une législation favorable à nos amis à quatre pattes, secondée par l'humanisme des Lumières, le lancer de renard s'évanouit. Au cours du XIXe siècle, la plupart des puissances d'Occident se dotent de sociétés dédiées à la protection des animaux; les aristocrates se ressaisissent en pratiquant le badminton, dont le premier volant est un bouchon de champagne garni de plumes!

Quant aux goupils, ils sont toujours traqués dans le cadre de la chasse aux renards, sport national britannique du XVIe siècle pratiqué outre-Manche jusqu'en… 2005.

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